21 janvier 2008

Questions

Questions

François Fillon est un type épatant (bien que ce fait n’ait absolument aucun rapport, même en cherchant bien, avec Alain Rémond, sujet supposé de toutes ces chroniques, mais, que voulez vous ? François Fillon mérite qu’on ne s’arrête pas à ce genre de détails). Sous ses airs de Snoopy dépressif, c’est un franc gai-luron. Vous avez vu sa conférence de presse ? Un truc incroyable. Tout le monde s’attendait à une oraison mortifère plus déprimant encore que la météo marine sur France-Inter ("pour Shannon, virant 7 à 8 mollissant 5 à 6 l'après-midi... grains localement agités... pour German, de fortes rafales puis des grains localement orageux... pour Amber 4 à 5, puis virant 7 à 8 l'après-midi... pour Tamise 3 virant sud-ouest... pour Pas-de-Calais et Antifer sud à sud-est 4... pour Iroise mer devenant violente...") ; les journalistes présents avaient été tirés à la courte paille, les mines étaient sombres, les regards tristes, l’ambiance à filer le cafard à tout le monde, même, c’est dire, à Xavier Bertrand (« les cheminots, ils sont super, mais la grève, c’est pas très gentil, parce que les usagers, ils sont super, et moi, les faire souffrir, ça m’arrache le cœur »).

Or, voilà que François Fillon arrive, souriant, détendu voir décontracté ( !). François Fillon, le Premier Ministre de la « faillite », des grèves, des réformes difficiles, que l’on ne voit à la télé uniquement pour annoncer un avec un rictus sadique et des yeux exorbité un nouveau «plan de réduction du nombre de fonctionnaire », des fermetures de tribunaux ou « l’établissement de nouveaux objectifs sur le dossier de l’immigration, gnêck, gnêck » (ces derniers mots constituent une tentative de retranscription d’un rire sardonique, dans « Tintin », ils font pareil). Notre François Fillon, celui qui, même mis entre Vladimir Poutine et Claude Guéant, paraît froid et distant, le même. Ou alors, comme il y aurait un sosie de Nicolas Sarkozy, selon SAS Alain Rémond, il y aurait également un sosie de François Fillon, c’est possible aussi. En tous cas ça expliquerait un tel revirement, un tel changement d’attitude. Car non content de sourire, il a enchaîné dans un discours que l’on peut qualifier sans mentir d’hilarant, marchant ainsi dans les pas illustres de son génial prédécesseur, Jean Pierre Raffarin (qui a analysé finement cette semaine les élections municipales prochaines dans une de ses formules ou la pertinence le dispute à l’audace : « La politisation des enjeux ne signifie pas la nationalisation des sujets »). En effet, au lieu d’une banale conférence de presse, le Premier Ministre a préféré décliné cet exercice sur un mode très particulier, l’auto-interview, un exercice de style étonnant et hautement comique. Le principe est très simple : pour commencer, le premier ministre introduit son sketch par un sarcastique « Comme vous n'avez pas eu le temps de ciseler des questions, je vais les poser moi-même», il marque un arrêt pour une salve de rires, puis prend une mine pincée et interroge, l’air benoît « comment fonctionne le couple exécutif ?", aussitôt il se reprend, se drape dans sa dignité gouvernementale, et sourire aux lèvres : « Très bien ». Et comme ça 17 fois, pour finir par un magistral "Etes-vous un Premier ministre heureux ?" "Oui quand je suis avec vous." Im-pay-able, vous dis-je. Un véritable succès, en plus : des rires à profusion et des passages multi-diffusés dans les médias. Dans l’histoire de l’humour français, il y avait « le 22 à Asnières », « l’Auto-stoppeur » et « Paulette », il y aura désormais le déjà célèbre « Je fais moi-même les questions et les réponses ».

De plus, c’est un concept facilement adaptable pour notre Premier Ministre, qui pourrait s’assurer ainsi un triomphe à l’Assemblée : « Monsieur le Député du Parti Socialiste, vous alliez m’interrogez sur le manque de résultat de mon gouvernement et du peu d’efficacité de mes réformes. Et bien, je vous répondrai que… » ou encore « Mon cher ami le député de ma majorité, vous avez une question fayote qui vous brûle les lèvres, et bien sachez que…. ». Sans compter des variations possibles dans d’autres domaines. Par exemple lors des enquêtes de police, finis les interrogatoires fastidieux : « Monsieur l’inspecteur, vous allez me demander si j’ai bien assassiné mon épouse, mais je vous dirais que… ». Lors des entretiens d’embauche « Mais pour devancer toutes vos questions, mes différents diplômes et mes motivations sont… », ou enfin dans les jeux télévisés « Et bien Jean-Pierre, pour répondre aux questions que vous ne manquerez pas de me poser, je dirais pour la question 1, Napoléon III, pour la question2… »

Je ne sais pas quelle note obtiendra donc François Fillon lors des évaluations gouvernementales, mais à n’en pas douter, dans la catégorie « humour et originalité », ses résultats seront excellents (voire même supérieurs à ceux d’André Santini).

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