24 juin 2008

Poste

Pour ce qui sera ma dernière chronique avant un repos estival bien mérité (selon mon point de vue, du moins, vous je ne sais pas ce que vous en pensez), je n'aborderai pas, comme d'ordinaire, un grand sujet de société, un thème de l'actualité politico-médiatique, et je ne ferai pas de commentaires sur la dernière chronique d'Alain Rémond.

Non, aujourd'hui, l'enjeu sera plus modeste. En effet, j'ai vécu lundi dernier une curieuse aventure que je m'en vais vous narrer pas plus tard que maintenant.

Ca se passe vers la fin de la matinée, à 11h 17, environ. Le lieu du drame est une agence de La Poste, tout à fait banale. Les différents protagonistes de cette étrange affaire sont (dans l'ordre d'apparition) moi-même, une dame, un couple de personnes âgées et une employée de La Poste, et peut-être aussi le Dieu de la Malchance.

Nous sommes donc lundi à 11h17. Devant poster une grosse enveloppe marron volumineuse avec tout un tas de papier dedans, je franchis d'un air tranquille le seuil de l'agence postale. Jusqu'à récemment, n'étant pas très au courant des différentes modalités d'achat de timbre, je devais, d'un air contrit, soupirant, grognant contre la Vénérable Institution du Courrier, patienter de longues minutes dans une file d'attente sinistre composée de clients d'aussi bonne humeur que moi, attendant que l'unique guichet sur les trois prévus soit libre. Bref, un cauchemar, pire qu'un match France-Italie.

Or, je me suis aperçu il y a peu de temps de l'existence d'une sorte de machine magique, atteignable sans file d'attente à rallonges, qui vous donne joyeusement une petite vignette spécialement adaptée au poids exact de votre lettre. Merveilleuse invention, plus belle découverte humaine depuis peut-être l'ouvre-boîte.

C'est donc avec un esprit libre et dégagé que je m'approche de ladite machine. Première tuile: il y a une dame devant moi. Pas grave, pensai-je naïvement, c'est l'affaire de trois minutes maximum. Je mesure à présent combien la vie réserve un lot incroyable d'affreuse déception. Car l'achat par cette dame de son malheureux timbre se doubla de complications si ténébreuses, que j'hésite à vous en faire le récit ("j'hésite", certes, mais pas top longtemps quand même parce que c'est un excellent sujet de chroniques).

La dame, en effet, a beau mettre une pièce de un euro pour payer son timbre à 0,52 euros, dans le petit espace prévu à cet effet, puis valider sur l'écran tactile, la pièce en question retombe immédiatement dans la fosse où, normalement, la dame devrait trouver sa monnaie, et son timbre.

Elle a beau recommencer, re-recommencer, re-re-recommencer, rien n'y fait, toujours rien, sa lettre reste désespérément privé de son oblitération idoine.

Je raconte comme ça, d'un air détaché, mais la dame, et moi-même, n'avions pas franchement le sourire devant cette incompréhension de la Machine pour l'Homme.

Sur ces entre faits, entrée de nouveaux personnage. Fin de l'Acte I, début de l'Acte II.

C'est un couple de personnes d'un certain âge. D'un point subjectif et extérieur, l'homme paraît très remonté, la femme, plutôt agacée.

L'homme s'approche de la dame à la machine. Ca ne sert à rien de s'acharner, explique-t-il posément, la machine, par un sort extraordinaire, refuse de rendre la monnaie. Il faut donc mettre le compte exact , ce que l'homme désigne sous le terme ancestral de faire l'appoint. C'est pour cette raison, continue-t-il, qu'il revient lui-même du marchand de journaux, où il a réussi à obtenir des pièces de centime pour arriver pile poile à la somme due, et donc, si cela ne dérange pas le monsieur (moi) ni la dame (la dame), il voudrait bien passer devant.

Or, je dois dire que la dame, de façon assez compréhensible, ne se laisse pas marcher sur les talons. Elle réessaie encore deux ou trois fois, arguant qu'il y a écrit en gros "cette machine rend la monnaie", ce dont ladite machine semble se glorifier justement avec assez peu de dignité. Le couple de personnes âgées s'énerve, eux, ils ont l'appoint, le mari rouspète, la femme ronchonne. Notre problème attire l'attention de toute la Poste.

Là, entrée du dernier protagoniste: une employée qui rentre justement à ce moment-là. Elle vient de la banque. Comment? La machine ne marche pas? A mais oui bien sûr, s'écrit elle en souriant, il n'y a plus de monnaie! Elle revient précisément de la banque, où elle est allé en chercher!

Et d'un sourire légèrement condescendant, elle toise la dame et le monsieur, dont elle moque la persévérance et l'incompréhension devant le refus de coopérer de la machine, et peste contre nous-mêmes, clients qui râlons pour un rien, renversement des rôles légèrement curieux. "PTT, Petit Travail Tranquille", ironise dans un souffle le monsieur, qui peut enfin, après quelques manœuvres techniques, acheter son timbre (poli, je le laisse passer après la dame). Moi même, je suis ravi, 20 mn après mon arrivée, d'entendre le bling-bling des pièces de ma monnaie sur le métal froid de la machine, tout droit sorti d'un casino monégasque.

Conclusion sur cette historiette: la Poste est mal aimée, c'est vrai, mais des fois, elle ne fait vraiment rien contre.

C'était ma minute: convertissons nous à l'idéologie de Jean-Marc Sylvestre.



16 juin 2008

Licenciement

Lundi dernier, rentrant d'une harassante demi-journée de travail, j'allumai négligemment ma télé, tombant par hasard sur le journal télévisé de Canal +. Autant dire que je n'ai pas été déçu. Dès les premières images, une sourde interrogation me déchira le subconscient (c'est très douloureux, soit-dit en passant). Car, quelles sont-elles, je vous le demande, ces images? De viellies archives, avec les trois lettres INA dans un petit encadré. On reconnaît le jeune mais déjà malicieux Patrick Poivre d'Arvor, présentant le journal d'Antenne 2, sa voix couverte par un commentaire compassé narrant la lente ascension du journaliste "...et Patrick Poivre d'Arvor devient très vite populaire....un symbole, le présentateur le plus écouté d'Europe...21 ans à la tête du journal de TF1...passioné de littérature...drames personnels....affaires sulfureuses...", bref, ce genre de résumé d'existence, présentation nécrologique de la vie d'un défunt célèbre que les médias nous servent à chaque décès de Grands Hommes. D'où mon questionnement inquiet: Patrick Poivre d'Arvor serait-il donc mort? Comme ça, là, par surprise, à 60 ans seulement? Diantre! Heureusement pour la liberté de la presse, je comprends que PPDA n'est pas mort mais seulement viré.


PPDA viré. A peine la nouvelle continue, qu'on nous inflige une loghorrée d'obscénité sans fond. C'est d'abord les médias qui se délectent de la nouvelle, la plaçant en une de tous les journaux, la mettant au menu de chaque débat, de chaque émission, de chaque chronique. On raconte les moindres détails, les coulisses, les dessous de l'affaire, ce qui s'est vraiment passé, Paris-Match, allant même jusqu'à avec une délicieuse élégance publier la phot exclusive du journaliste découvrant sur son portable le texto fatal (en attendant que le site internet du "Nouvel Obs" n'en publie le contenu: "Si Laurence Ferrari revient, j'annule ton contrat"). C'est ensuite l'intéressé, lui-même, PPDA qui s'érige en parangon de l'impertinence envers le pouvoir politique (défense de rire) et ses amis, invités dans les talk-shows, qui relaient cette prétendue insolence journalistique. C'est aussi les commentateurs qui se demandent si oui, ou non Nicolas Sarkozy y est bien pour quelque chose. "Ah! On ne voit ça qu'en France, cette paranoïa! Le président n'a rien fait" décréte jean-Michel Aphatie. Ce sont les débatteurs cathodiques qui s'interrogent sur le devenir de la marionnette des guignols, réplique latexifiée de PPDA, un débat capital pour l'avenir de notre pays. L'AFP, institution vénérable du journalisme sérieux et responsable, qui pond une dépêche pour confirmer en urgence la reconduite de la marionnette au poste de présentateur du journal satirique.


A y réflechir, je crois que c'est peut-être TF1 le plus indécent de l'histoire. Remercier ainsi, après 21 ans de services (qu'on les juge bons ou mauvais), d'un coup d'un seul, sans entretien, sans préavis, en plein mois de juin, ce n'est vraiment pas le sommet de la courtoisie et de la distinction. En plus, selon toute vraisemblance PPDA ne s'y attendait pas. Récemment, je me souviens d'avoir lu dans "Paris Match" (j'étais chez le coiffeur) un article du genre "Pourquoi Poivre d'Arvor est indéboulonnable". Cruel coup du sort.


Pour finir, je me contenterai de citer Pierre Desproges (oui généralement c'est ce qu'on fait quand on est en manque d'inspiration, merci de me l'avoir fait remarquer) qui portraiturait ainsi son interlocuteur: "Patrick Poivre d'Arvor,homme éperdu de l'éternel chagrin des enfants du siècle, un homme qui vit sa mort jour après jour en adorant la vie, un homme qui va, l'écharpe au vent mauvais, frisonnant dans l'éprouvante amertume des sous bois de l'automne, où le loup de Vigny fint d'exhaler son impossible râle. Un homme enfin, déchiré par les contradictions insupportables de sa personnalité de demi-dieu vivant, moitié Châteaubriand, moitié Jean-Claude Bourret."


A la semaine prochaine.

10 juin 2008

Livre

Il y a quelques jours, j'entendais Alain Rémond dans ma radio raconter qu'une fois, interviewé par un journaliste belge, il s'aperçut au bout de quelques questions que le présentateur n'avait pas lu son livre (encore une chose qui n'arriverait jamais en France).


Autant dire tout de suite que je n'ai absolument aucun complexe à parler du dernier livre de mon chroniqueur préféré, "Le cintre était sur la banquette arrière" (Seuil), que moi, j'ai lu. A tel point que je me remets à peine de cette bouleversante narration de l'enfance bretonne d'Alain Rémond, dans les années 50.

-Ah bon? Ce n'est pas un recueil des chroniques de "Marianne", parues entre Juin 2003 et le 5 Janvier 2008 ?

Si, bien sûr, c'est exactement ce que je viens de dire. Donc, Alain Rémond publie un recueil de se chroniques de "Marianne" (dans lesquelles à ma connaissance, il n'est pas interrompu par un interlocuteur tatillon).

-Vous parlez de moi?

Non, non, pas du tout. Qu'est ce que je disais? Oui, le recueil des chroniques d'Alain Rémond, que j'ai lu, évidemment. A tel point que j'en ris encore, de ces merveilleux billet sur les sujets variés de la vie quotidienne. Les mois et les années défiles, et on se replonge dans les problèmes de banquette arrière, de cintres, de brocantes, d'Yves Pichon, de cintres, de Bretagne, de météo pourrie, de dynamo, de textique, d'armoire Ikéa, de baleine de parapluie, bref, toutes les délicates questions de société que se posent nos sociétés occidentales.


Le plus étrange cependant avec ce recueil de chroniques (car Alain Rémond, lui, arrive à liquider son stock de chroniques en les publiant), derrière le plaisir de la lecture, c'est de s'immerger dans un temps assez proche sur l'échelle de l'histoire géologique de la planète Terre, mais qui nous semble une éternité pour nos pauvres mémoires oublieuses. Ah, oui, en 2003! Raffarin Premier Ministre! Ah dis donc, c'était quelque chose! Ah oui, Laurent Fabius qui parle des carottes râpées! Ah tiens, je ne m'en souvenais plus, le pauvre, il est mort depuis, non? Ca alors, Chirac président? Ben tiens, c'était pas sous la Troisième République? Oh, mais alors Sarkozy était ministre? Oh lalala, c'est drôle, j'avais oublié! Les émeutes en banlieues? C'était vraiment en 2005? Pas au siècle dernier? L'affaire de la fausse agression antisémite du RER? Le débat sur le voile? Sur la Constitution? La campagne présidentielle? C'est marrant comme la mémoire est sélective!Tiens, François Bayrou était invité à la télévision? Non! Et Dominique Voynet aussi? On a vraiment changé d'époque, etc.


Pour finir, en plus d'être d'hilarantes "méditations amusées sur l'état du monde" et un puissant rétroviseur sur ces cinq dernières années médiatico-politiques, le livre, précision si vous doutiez encore de l'utilité de l'acheter, ne coûte que 17 euros. Qu'est ce que c'est 17 euros, je vous le demande? Un décilitre d'essence! Un paquet de pâtes! Trois baguettes de pain! Autrement dit: rien du tout. Alors n'hésitez pas. Foncez.


A la semaine prochaine.

01 juin 2008

Blog

Cette semaine, la lecture de « Marianne » nous révèle d'agréables surprises. Ainsi, dans la rubrique « Idées », quelques blagues philosophiques (oui parce que quand « Marianne » publie des blagues, c'est philosophique, que croyez-vous, ce n'est tout de même pas « l'Express »), blagues que je ne résiste pas au plaisir de vous retranscrire: « Docteur, prévient la secrétaire, un homme invisible vient d'entrer en salle d'attente.-Je suis surchargé, répond le docteur. Dîtes lui que je ne peux pas le voir! », « Un savant et sa femme font un tour en voiture à la campagne. Oh, regarde! S'écrie la femme. Ces moutons ont été tondus!-Oui, répond le scientifique, de ce côté » ou encore « Un Américain entre dans un bar, un superbe perroquet exotique juché sur son épaule. Whaou! Fait le barman. Vous l'avez déniché où?-En Amérique, répond le perroquet, des types comme lui, on en trouve des millions ».


Des blagues hilarantes donc, mais pas seulement: il y aussi, dans la rubrique d'Alain Rémond, quelques indiscrétions confidentielles (vous savez, les petites phrases ou anecdotes qu'on trouve dans les pages « Politique » de la grande presse) que le chroniqueur distille pour s'en moquer, du genre: « Tel ministre a dit de tel député que.... » ou « Des témoins privilégiés ont vu tel personnage important du gouvernement déjeuner avec tel membre éminent de l'opposition.... ». Bref, comme le dit l'auteur lui-même: « Du ragot de chez ragot ». Or, personnellement, je trouve cela ignoble: si Alain Rémond publie des ragots, que va faire Jean-Marc Morandini? Une émission sur France 5, peut-être? Non, je plaisante, mais enfin tout de même.


Mais le plus surprenant, dans cette chronique, ce sont les derniers phrases qui la conclue: (Alain Rémond apostrophe ses lecteurs: « Qu'a-t-il voulu dire par là? Pour le savoir, chers lecteurs, branchez vous sur mon blog ultraconfidentiel. Comment ça, je n'en ai pas? Vous êtes surs? »


Alors là, je dis « Non! » (pas trop fort quand même, j'ai des voisins à l'ouïe hypersensible). Je dis « Non! » et j'ajoute aussitôt: « C'est un peu fort de café » (car j'aime employer des expressions totalement désuètes et vieillottes, mais aussi, ce qui ne gâche rien, barbouiller mes chroniques de parenthèses hors de propos). Alain Rémond tenant un blog? Ca serait inouï! Il aurait donc réussi à vaincre le démon Informatique au point d'alimenter un site oueb et accessoirement, de me piquer mon fond de commerce? Excusez moi d'en douter. Mais d'un autre côté, il est tout à fait possible qu'Alain Rémond n'ait dit cela uniquement parce qu'arrivé en fin de chronique, là, pressé par le temps, il ait à la hâte griffonné ces quelques lignes abscondes, pour rejoindre illico presto Guy Konopnicki qui racontait ses vacances au Vénzuéla à Jean-François Khan devant la machine à café. Possible mais pas probable car Alain Rémond qui bâcle une chronique, je n'ose y croire. Donc voilà, bystère et moule de gomme, je m'en pers en conjectures et en hypothèses que de suppositions en suppositions je ne puis écarter tant l'incertitude et le mystère sont grands, et ici, Patrick, selon les sources proches du dossier tenant à rester anonyme, il pourrait y avoir un dénouement rapide à cette tragique affaire, mais encore une fois, l'incertitude règne ici , et donc voilà, je n'en sais pas plus mais je périphrase encore quelques instants pour garder l'antenne parce c'est pas tous les jours que je passe à la télé en duplex de Vierzon-sur-Loire.


Reste mes amis, une dernière hypothèse: Alain Rémond pourrait bien parler de ce blog-ci. Et bien après en avoir discuté avec les plus hautes autorités religieuses, politiques, civiles et militaires présentes dans mon bureau, à savoir, mon chat et moi, j'ai courageusement pris la décision d'écarter cette hypothèse. En effet, ce blog n'est, je crois, pas celui d'Alain Rémond (à moins que je soie moi-même, sans le savoir Alain Rémond et que j'aie un esprit incroyablement machiavélique, mais ça m'étonnerait tout de même un peu) et en plus, il n'est pas « ultraconfidentiel ». Donc, toujours autant de mystère. Ca serait une bonne affaire pour l'Inspecteur Derrick. Enfin, je crois.


A la semaine prochaine.