09 septembre 2007

Chat

Chat

La semaine dernière, emporté par un élan impromptu d’enthousiasme, j’avais promis que je parlerai la semaine suivante du documentaire sorti en DVD sur les coulisses de « Marianne » et de l’incroyable (mais aussi fantastique, exceptionnel, majestueux, splendide, sublime, épatant, formidable, grandiose…) livre de SAS Alain Rémond , « Les Romans n’intéressent pas les voleurs » (par contre, les lecteurs…).

Or, force est de constater que pareillement au premier ministre des Finances venu, je vais être contraint de me renier quelque peu. A ma décharge, si l’on peut toutefois admettre l’existence d’éléments irréfutables pour excuser mon attitude impardonnable, la chronique de SM Alain Rémond de cette semaine m’oblige frontalement à aborder un tout autre sujet. Jugez plutôt.

Cette semaine donc, notre billettiste préféré (remarquez que je dis « notre » d’un ton un peu péremptoire qui pourrait masquer une contre-vérité, cependant j’estime que si Alain Rémond n’est pas votre billettiste préféré, vous êtes autant à votre place qu’un joueur des îles Tonga sur la route d’un « All Blacks » de 2,5m de haut) doit en effet, courrier des lecteurs oblige, répondre à cette toute naturelle question que tout à chacun se pose le matin en se levant et qu’il est tout à fait naturel de formuler à un brillant journaliste compétent, je cite « Pensez vous, demande un de ses lecteurs à Alain Rémond, que les chats existent (au sens –je cite toujours -où Heidegger l’entend, capable de se concevoir comme étant ?), fin de citation ». Je dois dire, monsieur que c’est une très bonne question et laissez moi vous dire qu’on ne sera pas trop de deux avec Son Excellence Alain Rémond pour répondre à votre sympathique et si spontanée interrogation (Dieu merci, je ne reçois pas encore de courrier comme celui-là, et je vous en prie ce n’est pas une raison pour commencer).

Tout d’abord, à ceux qui douteraient de ma légitimité en la question féline, je crois pouvoir affirmer que je suis très compétent dans ce sujet. En effet, comme vous ne le savez sûrement pas, j’ai un chat, dont je tairai le nom pour protéger l’intimité de Patapon. Et sans me vanter, je crois qu’on peut dire que j’ai un chat tout à fait extraordinaire (d’où la légitimité). C’est bien simple, il est hors du commun des autres chats., Toutefois, il est vrai qu’à première vue, mon chat peut sembler normal, voire banal.Le poil gris, l’oeil mi-clos, de vagues rayures, une petite bedaine, une allure de sénateur radical-valoisien pourrait à priori faire croire à la plénitude de sa normalité.Or, pas du tout, et comme je sens que vous êtes de petits coriaces, je crois qu’il vaut mieux vous donner des exemples.

La plupart des chats, d’après ce que j’en sais, ont des loisirs tout à fait aptes à laisser se déverser leur tempérament féroce de prédateur solitaire typiquement félin comme, engager un duel frénétique contre une dangereuse pelote de laine étonnamment vive, tenter d’attraper un canari horripilant ou bien tout simplement partir à la découverte de ce vaste monde un peu inquiétant avec ses dangers de l’inconnu mais prometteur en même temps de félicité à venir. Mon chat, lui, dort. Tout le temps. Entre sa sieste et son coucher nocturne, il dort. Même quand il mange, il semble à tous moments prêts à relâcher, faute de volonté, toute pression musculaire, déjà peu élevée dans ses cervicales et ainsi piquer un petit somme au milieu du bol de ronron pourtant « super-vitaminé ». Ce n’est quand même pas bien gênant, me diriez vous. Quoi en effet de plus sympathique après tout qu’un vieux chat ronronnant au coin du feu. Certes. Mais mon chat ne ronronne pas. Il vrombit. Quand il est content, on vérifie, inquiets, la machine à laver. Et puis et surtout, mon chat dort étrangement. En fait, c’est surtout la façon très particulière qu’il a de choisir ses lieux de repos qui confine au curieux burlesque.

Ainsi, je crois que je puis dire que ma demeure offre un nombre d’endroits douillets et confortables n’attendant que la venue régulière d’un quelconque félin tout à fait conséquent : canapés, lits, fauteuils…Or, mon chat à une passion pour les lieux les plus insolites. Par exemple, il adore le piano qui, avec tout le respect que je dois à cet instrument exceptionnel, fait un matelas très moyen. Mais, par une curieuse habitude il va tout les soirs se coucher là, sur ce meuble si possible en plein milieu de la nuit et en passant avec un soin minutieux sur toutes les touches dudit piano nous offrant la bienheureuse et toujours agréable surprise d’écouter une tentative d’exécution du concerto en ré majeur de Maurice Ravel à trois heures du matin. Quand il ne va pas sur le piano, il se résout à aller sur un lit non occupé. Mais là (mon chat est un non-conformiste) au lieu de se blottir au creux des draps ou sur un coussin, il préfère, devinez quoi, aller sur le traversin à qui il voue une bien étrange fascination. Le problème, c’est que vu sa corpulence, au bout de 5 mn, il glisse petit à petit puis il tombe immanquablement du traversin, se réveillant du coup en sursaut, mais regagne aussitôt son siége, et ce des dizaines de fois en une nuit,avec une conviction dans la répétition obstiné dont ne rougirait pas un poisson rouge. Sinon, il ne trouve rien de mieux que de dormir en plein milieu du salon, là, gisant, patte en l’air sur le carrelage glacé. L’autre jour, pour vous dire, mais je pense qu’à ce stade du raisonnement vous êtes probablement convaincu, il y a avait dans ces yeux blasés de fauve domestique comme un peu d’agacement condescendant en voyant mon indécrottable mauvaise volonté à lui ouvrir, pour qu’il rentre, la fenêtre de la cage d’escalier située à trois mètres du sol et à autant de portée de n’importe quel bras. Et c’est dans ces moments là, cher lecteur curieux aux questions insondables ,que je me demande ce qu’en aurait dit Heidegger…

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