18 mars 2008

Défaite

Les défaites, ce n'est jamais très agréable à vivre, les supporters parisiens en savent quelque chose. Mais, parmi tous les genres de défaites, les sportives sont peut-être les plus faciles à encaisser: futilité du sujet, et puis, après tout est-on vraiment responsable du fait que Trézeguet tire mal ses coup francs? Non, assurément. En plus, vos ennemis, les gagnants, sont généralement loin, très loin, et ce n'est vraiment pas de chance si trois fleuves, un océan ou cinq départements ne vous séparent pas d'eux. Alors que les défaites électorales, c'est beaucoup plus embêtant. Même celles d'enjeu a priori modeste, mais qui revêtent tout à coup une importance folle. D'abord, c'est, je pense, le stress et l'angoisse du dépouillement, qui sont le pire. Je ne sais pas si vous êtes déjà allé dans un bureau de vote lors de municipales dans un petit village. Il est 19h30, vous arrivez gaiement et joyeusement insouciant, pauvre malheureux. Et là, aux mines sombres de vos amis, de vos proches, des gens partageant les mêmes sensibilités politiques que vous, vous prenez comme un gros coup de poing très douloureux dans l'estomac. On devient blanc, la gorge nouée. On s'approche, près des bulletins en train d'être dé pouillés. On écoute les gens parler « Oui, il a deux voix de retard, mais je tiens d'une source sûre, qu'à l'école maternelle, il est devant, etc. ». On espère secrètement, que dans les dernières centaines, un miracle survienne. On regarde, un peu écœuré, les adversaires du camp d'en face sourire jusqu'au oreilles, et sortir à leurs amis, en vous regardant sadiquement, « Alors, t'as mis le champagne au frais? ». Les plus démoralisés vont à la mairie, où à la permanence électorale, en attente des résultats définitifs qui tombent, dans le hall, sous les hourras qui ne sont pas les vôtres, acclamant le nouveau champion qui fait un discours très émouvant disant qu'il est très ému d'être très ému, et que si ses adversaires sont émus, lui aussi est très ému, comme quoi, on est tous ému, qu'on peut tous ensemble être très ému, qu'il faut être tous ensemble très ému, et que ça prouve bien qu'il sera le maire, en cet instant très ému, de tous ses concitoyens eux aussi tous très ému, ce qui l'émeut beaucoup, comme c'est émouvant, il en est tout ému.


Bon, le pire (vous me direz: « vous avez dit: le pire... il y pas trois lignes, faudrait savoir, vous pourriez dire: le plus désagréable, etc. », peut-être, c'est pas faux, mais je vous répondrai de me ménager quand même un peu, hin, je suis sous le choc) ce sont les gens, persuadés qu'on a gagné qui vous appellent: « Alors, c'est bon, hin, on a combien d'avance? », auxquels il faut expliquer gentillement toute l'étendue du désastre. Et puis, il y a après. Que faire? Quand on gagne, on sait très bien que faire. On fait la fête en buvant (avec modération, bien sûr) du champagne. On fait le tour de la ville en klaxonnant. On passe devant les adversaires en criant des slogans très peu en conformité avec des règles de fair-play et d'esprit sportif. Bref, c'est la joie, l'ivresse, la déraison. Toute chose dont on s'aperçoit avec horreur que ce sont les adversaires qui vont en user, sur votre dos, dans de révoltantes réjouissances.


Et oui, on s'imaginait déjà à leur place, en train de saluer une belle victoire, et rien que d'imaginer ce qu'ils sont en train de passer en mousseux, ça vous met hors de vous. D'autant plus que là, vous êtes affalé dans un coin d'une salle sombre, ambiance quasi-funèbre, entre deux assiettes de cacahuètes, écoutant votre voisin dire que lui, depuis le début, il savait, il l'avait bien dit, il avait vu juste.


Après, c'est aussi, la semaine qui suit. Gros changements dans la vie de votre commune, qui d'une manière ou d'une autre vous touchent, plus ou moins directement. Chasse aux sorcières et perte de repères.

En plus, vous vous apercevez avec effroi que vos adversaires se sont affreusement infiltrés dans votre vie quotidienne, ce qu'ils vous font la semaine suivante cruellement et incessamment ressentir avec des phrases du genre, le lundi matin, au boulot: « On vous a bien eu, pas vrai? » ou « Ben dis donc, pas trop triste? Moi je suis crevé, si tu savais à quelle heure je me suis couché... ». Mais bien sûr que oui, je suis triste bande d'infâmes charognards, pas la peine de s'appesantir là dessus, quand même, ça va oui! (remarquez, je fais moi-même exactement pareil quand je me retrouve en position de force. A partir de là, est-ce tout à fait morale de faire ces reproches à mes collègues?, me direz-vous. Et bien, c'est gentil de votre sollicitude en de tels instants, votre soutien me touche beaucoup).


Mais bon, 6 ans, ça passe vite. Vous verrez la prochaine fois. Qui rira bien, rigolera vers la fin.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tous jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.