24 mars 2008

Fosses

Donc, la droite a perdu les municipales. La gauche aussi, dans certaines villes (la mienne,au hasard). Dans les deux cas, c'est parfois plutôt bêtement, comme nous le raconte « Le Canard Enchaîné » (oui, parce que des fois, je lis également le « Canard Enchaîné »): « A Sceaux (Hauts-de-Seine), la candidate PS qui avait recueilli 24% des voix au premier tour, a oublié de déposer sa liste pour le second. Du coup, le maire sortant, Philippe Laurent, a été réélu dans un fauteuil[...]. Le candidat UMP arrivé en tête au premier tour à Fosses (Val d'Oise, 10 000 habitants) ne s'est pas inscrit à temps, lui non plus, pour le second tour. Idem pour la liste PS aux Sables-d'Olonne (Vendée). Et pour le conseiller général sortant de Vézelise (Meurthe-et-Moselle). »


Alors là, je dois dire que je suis perplexe. Ça me dépasse. En dehors du fait que ça n'ait strictement rien à voir, de près ou de loin, avec Alain Rémond (qui nous raconte lui, la vente du château de Giscard, pour un prix qui doit égaler la valeur d' au moins trois diamants de Bokassa), dont je suis pourtant censé vous expliquer le talent incommensurable dans ces chroniques, ça me laisse pantois. Dubitatif. Pour réaliser, j'essaie un peu d'imaginer la scène. Prenons par hasard le candidat UMP à Fosses (Val d'Oise, 10 000 habitants) qui s'appelle apparemment M. Michel Traversino, comme je l'ai découvert à la suite d'une palpitante et périlleuse enquête d'investigation, car je suis un vrai journaliste, comme Charles Villeneuve. Mettons que nous sommes quelques temps après le premier tour, le jour où les candidats doivent s'inscrire en préfecture avant une heure indiquée. Précisons que nous sommes quelques minutes après cette heure fatidique, que je fixerai à 18h tapante, comme ça, au feeling. Donc, si vous avez suivi, nous sommes le 11 Mars, à 18h03, chez Monsieur Traversino qui vient justement de rentrer, les hasards sont merveilleux, de sa permanence électorale, et qui trouve, attendri, Madame Traversino et M. Traversino Junior en train de l'attendre patiamment pour regarder « Des chiffres et des lettres» (si tant est que ça soit toujours à l'antenne à 18h). M. Traversino à Mme Traversino: « Bonjour, chérie». Mme Traversino à M. Traversino: « Bonjour, chéri ». M.Traversino à M. Traversino Junior: « Bonjour, mon chéri ». ( Pourquoi les Traversino se disent-ils « bonjour », alors qu'un minimum de logique devrait les pousser à dire « bonsoir » à18h? Mystère ). Reprenons. M. Traversino: « Ah, quelle excellente journée de campagne, je la sens plutôt bien cette élection, puisque je le rappelle, au risque de ne pas paraître naturel du tout quand je m'exprime dans un cadre familiale , j'ai remporté 44% des suffrages! Ne trouves-tu pas, chérie? » Mme Traversino, d'un ton innocent, sans penser aux tragiques conséquences de ces paroles : « Oui, bien sûr. Au fait, Michel, comment s'est passé le dépôt de ta liste à la préfecture comme tu devais le faire impérativement avant 18h, tiens, c'est vrai que ce chroniqueur ne sait absolument pas écrire des dialogues naturels et que les siens sont pour le moins poussifs, alors, comment ça s'est passé? » M.Traversino: « Diantre! Fichtre! J'ai oublié de déposer ma liste! Argh! Me voilà fichu! Et puis,vivement que ce dialogue s'arrête, je parle d'une façon de plus en plus ridicule! ». Mme Traversino: « Mon dieu! ». M. Traversino Junior: « Bonne chance, mon papa. » Bertrand Renard à Laurent Romejko, dans le poste TV: « C'est très bien, Patrice. Le compte est bon ».


Le pire pour M. Traversino, ça a quand même du être la réaction de la ville de Fosses (Val d'Oise, 10 000 habitants). Imaginons le pauvre homme dans sa permanence. Réunion stratégique au QG de M.Traversino, avec toute l'équipe de campagne, pas encore au courant de l'affreuse boulette de leur champion, qui se fait interpellé par un de ses co-listiers « Bon, ben, Michel (M. Traversino, avais-je oublié de le préciser, s'appelle Michel), écoute je pense que c'est faisable, hier tiens, avec toute l'équipe on s'est couché à 2h du matin pour être au top niveau tract et démarchage, et vu tout l'argent et l'énergie qu'on a investi dans cette campagne depuis un an, ça serait une catastrophe que nos adversaires gagnent. T'es d''accord avec moi, Michel, non? ».... Pauvre M. Traversino. A l'heure qu'il est, je pense qu'il a du déménager. Si c'est le cas, j'espère que ce sera lui le candidat de l'UMP dans ma ville, en 2014. Ça serait sympa. Rêvons-un peu.


Sinon, M.Barros* et M.Vaillant (oui, j'aime bien mettre des « M. » partout, ça fait genre, j'écris comme « Le Monde ») les adversaires (PS et DVG) de M. Traversino ont du bien rire.(Je précise que M. Barros, après un dépouillement d'un suspens insoutenable a remporté 100% des suffrages exprimés et 29 des 29 sièges du conseil municipal. Comme quoi, la Russie n'est pas si loin que ça de Paris.) Les militants UMP, moins. Les habitants de Fosses (Val d'Oise, 10 000 habitants) eux, ont accueilli la nouvelle avec une lueur d'ennui poli, malgré le caractère extraordinaire de la nouvelle, car avez-vous déjà vu des habitants de Fosses sceptiques? Pas moi, en tous cas.


A la semaine prochaine.

Aucun commentaire: