27 avril 2008

Mai

Imaginez. 40 ans après Mai 68, une nouvelle révolte éclate en France. Les étudiants et lycéens entrent en grève. La jeunesse veut du changement, de la liberté, les fleurs qui rient et les oiseux qui chantent et puis aussi la nouvelle Play-Station parce qu'y a Steven, le type de terminale S qui sort avec Julie qui m'a dit qu'elle était très bien. Bref. Darcos, t'es foutu-la-jeunesse-est-dans-la-rue, Pecresse, pas mieux. Peu à peu, le mouvement s'amplifie. Se radicalise. La Sorbonne est occupée. Paris tremble. Le Pape aussi, mais ça compte pas. En geste de solidarité pour les étudiants, Bernard-Henri Lévy déclare Saint-Germain-des-Près République Populaire dans une tribune du « Nouvel Observateur ». Les rangs des manifestants grossissent. L'opinion les soutient. Paniqué, le Président réunit ses collaborateurs dans son bureau, et François Fillon, pour servir le café. La décision, radicale, est prise: Brice Hortefeux videra ses charters de sans-papiers maliens pour tenter de les remplir de racaille gauchiste. Indignation. Polémique. Bernard Kouchner démissionne en direct à la télévision. Le SMS que le Président lui envoie, pour le retenir, « Si tu reviens, j'annule tout », dévoilé par Airy Routier, ne suffit pas à faire changer d'avis le French Doctor. Carla Bruni exprime dans « L'Express » sa solidarité avec le mouvement étudiant. C'est la crise. On est mi-mai, et le pays vacille.


Le Quartier Latin s'embrase. A la Mairie du V eme, les Tibéri sont séquestrés. Les images des cortèges sans cesse plus fournis passent en boucle à la télévision.En voyant les actualités, Eric Zemmour fait une syncope: le choc est trop fort. Heureusement pour lui, et malheureusement pour SOS Racisme, c'est bénin. Aussitôt, pourtant,Jean-Pierre Elkabach annonce le décès du journaliste à l'antenne d'Europe 1, déclenchant une grogne furieuse chez ses employés. La station se met en grève, bientôt imitée par toutes les grandes rédactions parisiennes. Jean-Pierre Pernault est en fuite. Jean-Marc Sylvestre se cache. Jean-Michel Apathie s'exile. La contestation prend de l'ampleur.


Dans les rangs des étudiants, on se cherche un chef. On croit le trouver quand Olivier Besancenot rencontre par hasard Cohen-Bendit au salon Rotschild du « Fouquet's », mais, la jeunesse se prend à rêver d'un autre, symbole de toutes les injustices, de toutes les humiliations qu'ils subissent: David Martinon, bientôt surnommé « David le Rouge » qui fait son grand come-back . Surprise et étonnement. Le jeune rebelle met au défi la police et le gouvernement chaque jour devant les caméras, en tête des cortèges. Du côté du pouvoir, justement, on s'inquiète. L'exécutif a peur. On hésite. On se tâte. On parle de nouveaux accords de Grenelle, confiés à Denis Gauthier-Sauvagnac, mais le projet tourne court. Au 20 h, on annonce gravement que le Président s'est rendu à Badeno-Badeno (Lybie) avec un avion prêté par Vincent Bolloré. L'interrogation est à son comble, la France doute.


Sarkozy parti, Lionel Jospin se propose, pour prendre la tête d'un gouvernement provisoire. Mais la situation politique est soudainement bouleversée. Alors que dans les usines, Gentil Xavier Bertrand réussit peu à peu à remettre les feignasses de cégétistes au boulot, les troupes estudiantines de David le Rouge se déchaînent. Trop. Face aux CRS, les étudiants ravagent le Boulevard Saint-Michel. Les voitures sont brûlées, les arbres arrachés, les pavés, descellés. L'opinion, soudain, change d'avis comme le proclame le Figaro en une de son édition du 30 Mai: « Selon un sondage Opinion-Way: 85% des Français sont contre la violence: Sarkozy est conforté. »Du coup, le Président revient et provoque des législatives anticipées. Pour l'UMP, c'est un triomphe. La révolte s'arrête net, la jeunesse repart bachoter et les ouvriers reprennet le travail. Mai 2008 a tourné court. A croire que c'est une manie.


A la semaine prochaine.

20 avril 2008

Var

Vu que tout le monde parle de sa région à lui, Dany Boon du Nord-Pas-de-Calais, ou même Alain Rémond de sa Bretagne natale, cette semaine dans « Marianne »; et vu que jusqu'à preuve du contraire, j'ai le droit de faire à peu près ce dont j'ai envie sur mon blog, il n'y a strictement aucune raison pour que ne puisse pas parler de ma région à moi-même personnellement, de ce département où chantent les cigales et où poussent les immeubles, au charme exotique envoûtant, le plus beau de France, vous voyez forcément duquel je veux parler, surtout que c'est écrit en bien gros au dessus de cette chronique, oui, amis lecteurs, intéressons-nous aujourd'hui au Var (83).


En effet, j'habite le Var, non pas pour de basse raisons touristico-climatiques mais parce que c'est un des rares endroits de notre beau pays où l'on peut être sûr de ne pas avoir de voisins communistes, c'est plus pratique, le libraire nous fait un prix de groupe pour « Le Figaro ».


Donc, le Var. Le Var se situe au Sud de la France, dans la partie la plus civilisée du territoire français. Néanmoins, aussi surprenant que cela puisse paraître, le Var est franchement limitrophe du Grand Nord. En effet, arrêtez donc un Varois dans la rue, pas trop fort, en le tenant par le déambulateur, et demandez-lui où se situe pour lui le Nord. Immanquablement, celui-ci vous répondra (si vous avez la chance de tomber sur un Varois qui ne soit pas sourd) la chose suivante: au dessus, environ, d'une ligne Montpellier-Grenoble, la neige tombe, l'hiver dure quatorze mois et les autochtones se nourrissent de phoques qu'ils pêchent en perçant la banquise.

Déjà, le Varois divise généralement son beau département en trois partie: la côte, régulièrement envahie par les hordes sales et bruyantes de Congés Payés gras et laids, le Moyen-Var, territoire encore à peu près civilisé et enfin, le Haut-Var, zone mystérieuse, noyée sous une forêt épaisse où s'ébrouent des sauvages cannibales dans des cascades d'eau turquoise.

Fort de cette assurance tranquille, le Varois mène une vie calme et douce dans sa belle villa les pieds dans l'eau , où il bronze en lisant les différents représentants journalistiques des sensibilités politiques varoises: « Var Matin », pour l'UMP; « Var Matin », pour l'UMP, et enfin « Var Matin », pour l'UMP. Régulièrement, le Varois choisit quel candidat UMP sera son maire, ou son conseiller général. Parfois, malheureusement, l'UMP perd l'élection et c'est un bolchevik Divers-Droite qui gagne. Les élus varois de droite, pardon je bafouille, sont des gens très bien et très sérieux. Ils ne font pas de culture (bahhhhhh, un truc de gauchistes) ou de social (bêrk!) par contre, ils ravissent leurs électeurs en plantant artistiquement des palmiers et en illuminant des guirlandes de Noël. Cependant, les élus varois sont assez dépressifs, et il leur arrive trop souvent de se suicider de deux balles dans le dos.


Les Varois parlent le Varois. Exemple: la phrase française « Je voudrais un café, s'il vous plait » se traduit en varois par « Non merci, vu les prix, je prends de l'eau ». En français, on dit « Excusez-moi monsieur, puis-je vous aider, vous semblez avoir besoin d'aide » alors qu'en varois on préférera « Non, désolé, débrouillez-vous, je donne jamais rien, moi, je suis pas intéressé. »; « jeune » se dit chez nous « moins de 50 ans »; « génial! Si on allait à la plage! » se traduit par «oh, non! encore? »; «horrible fachiste» par «sympathique militant légèrement radical» et « logements sociaux », euh.. le mot n'existe pas.


N'importe qui peut pas devenir Varois: il faut obligatoirement remplir les conditions suivantes a)être riche b) être vieux c) être de droite (certains me diront que les deux premiers critères induisent le troisième, c'est mesquin, chers amis). Je signale quand même que des dérogations sont exceptionnellement accordés aux citoyens corses, et aux membres de l'UDF. De ce fait, les Varois sont tous vieux et riches. Attention, quand un jeune riche mais vulgaire habite dans le Var, ce n'est pas un varois: c'est Nicolas Sarkozy qui vient au Fort de Brégançon.


Enfin, le Varois dispose d'un cadre de vie tout à fait exceptionnel, assez peu comparable à celui d'un habitant de Vierzon. En effet, le Varois peut aller à la Mer, visiter de superbes villages, tester ses connaissances pyrotechniques dans des fôrets où gambadent sous les cigales de rigolards et ventrus sangliers, ou même François Léotard.

Voilà, chers amis, c'était ma minute « j'habite un endroit plus joli que vous, et j'ai envie d'en parler ». Merci de m'avoir écouté.

A la semaine prochaine.

13 avril 2008

Tibet

Vous avez remarqué? Le monde médiatique français fonctionne éternellement de la même façon. Toujours. C'est inamovible. Tout commence par un événement spectaculaire et dramatique. Dernier exemple en date, les JO. La Chine. Le Tibet. Les athlètes chinois qui, dans un louable souci de changement et d'innovation, remplacent les cibles du tir à la carabine par des moines bouddhistes. Un bonze tibétain remplace-t-il avantageusement une cible de tir à la carabine? Oui, à condition, que le bonze tibétain ne soit pas au courant. Mis au parfum, le bonze rechigne, bouge, et bon, pour tirer dans de bonnes conditions, il faut quand même une cible un minimum immobile. Bref. La Chine massacre nos amis les Tibétains, événement tragique auquel s'intéressent tous les grands médias sérieux et indépendants, ou même TF1.


Première temps: des ames éplorées s'indignent tandis que des esprits indignés s'éplorent. Ainsi, au dessous d'une ligne Perpignan-Ajaccio,dès que le sang coule, que des dictateurs répriment, que la démocratie est mise à mal et la liberté sous les verrous, aussitôt accourent sur les ondes hertziennes ces Robert Ménard, Renaud, éternel rebelle qui ne tolérera jamais par exemple une quelconque augmentation des tarifs du Café de Flore, Cali, Bernard-Henri Lévy, qui regrettera toute sa vie de ne pas avoir pu assister au génocide arménien, il en aurait fait trois best-seller, Bernard Kouchner (ah, plus trop, bizarrement), et j'en passe et des plus cathodiques qui viennent, scandalisés par notre passivité molle, nous inciter, nous qui ne faisons honteusement rien, à rejoindre des causes grandioses où l'on pourra enfin et à peu de frais racheter notre pauvre conscience.Pour eux, trouver une situation inacceptable et révoltante chez Ardisson, entre une vendeuse d'albums et un acteur qui répète que si tout le monde trouve son film à succès complètement nul, c'est « parce que c'est typiquement français, comme réaction », ce rôle d'agitateur humanitaire télévisuel peut constituer un véritable métier ou un simple passe-temps pour artistes engagés, entre deux concerts dans le Massif central et un dîner chez Séguéla.


Deuxième temps: les politiques réagissent. En général, Ségolène Royal sort une proposition qui fait doucement rigoler les porte-paroles de l'UMP plus si triomphante que ça et les analystes politiques rigoureux, qui sur RTL, qui chez Calvi, qui dans « Le Monde ». Ensuite, immanquablement, Rama Yade fait une gaffe, Fillon la rattrape et le mari de Carla Bruni, lui, s'empare de l'affaire: « Je ne tolérerai pas de tels agissements. Parce que, c'est quand même extraordinaire, hin, parce que, qu'est ce que je dois faire M'ame Chabot? Alors, moi je vous le dis, je n'ai qu 'un message à adresser à nos amis les Chinois: « Cassez vous du Tibet, pov'con. » »Les dirigeants socialistes populaires et légitimes et constructifs, comme euh....enfin....euh, François Hollande et ses copains interpellent le gouvernement. « C'est un nouveau constat d'échec pour Nicolas Sarkozy et François Fillon....pendant la campagne électorale le président avait promis...du temps de Lionel Jospin, ah ça, c'était différent...et je constate que sur ce sujet sensible.... la majorité est divisée... »


Troisième temps: les ronchons qui débarquent au bout de quelques temps, en face des indignés professionnels, en nous racontant totalement le contraire. Et bien non, pas du tout, ce n'est pas aussi simple que cela, vu de France, bien sûr, c'est facile, etc. Tout d'un coup, en l'espace de deux déclarations de Jean-Luc Mélenchon, d'une intervention d'Eric Zemmour et trois articles de « Marianne »,ça fait soudainement plus chic d'avoir la pensée opposée sur un sujet pourtant consensuel. Les Tibétains sont des feignasses, les Chinois des victimes du racisme de la pensée unique. Comme leurs amis les scandalisés professionnels, les rétablisseurs de vérités-honteusement-tues-par-les-médias-bien-pensants infligent alors à nos yeux fatigués et à nos oreilles dubitatives leur vision iconoclaste de telle situation internationale ou événement planétaire Trouver la part d'ombre enfouie, retourner les situations, inverser le rôle des « gentils » et des « méchants », voilà leur unique passion. Ils sont « anti-conformistes ». Qu'est ce qu'un anti-conformiste, me direz-vous? Et bien quand quelqu'un tient des propos racistes, on dit qu'il est raciste. Quand Eric Zemmour tient des propos racistes, on l'acclame en tant qu' « anti-conformiste ». Nuance.


Dernier temps, enfin: On oublie. Le Darfour, la Birmanie, et bientôt, donc le Tibet, tous connaissent lentement et inexorablement ce curieux phénomène. Peu à peu, on passe à autre chose. Les morts s'entassent toujours mais les médias français n'en parlent plus. Au 20h, les reportages concernent d'autres sujets. BHL ré-ajuste sa chemise. Robert Ménard tente de trouver un sujet qui lui assure 2minutes de plus chez Ruquier. Kouchner s'achète un nouveau sac de riz. Georges Frêche retourne à ses préoccupations languedocciennes. Déjà, les débatteurs de Pascal Clarck boive leur café autour d'un autre sujet. La France se rendort, en attendant la prochaine fois. Comme toujours.


A la semaine prochaine.

07 avril 2008

Abréviations

Cette semaine, Alain Rémond, dans une incroyable chronique, qui ferait même rire François Fillon, nous fait part d'une de ses passionnantes lectures, « Sigles, abréviations et faux-amis, dans les domaines du logement, de la retraite, du social et du médico-social » de M. Yves-Philippe de Laporte. M. de Laporte s'est en effet amusé pendant de longues années à recenser tous les organismes étatiques aux acronymes les plus divers (n'en tirons aucune conclusion sur l'état de la vie sociale de M. de Laporte). Ce qui laisse songeur Alain Rémond, qui, lui, a ses petits préférés, comme la MARTHE (Mission d'Appui à la Réforme de la Tarification de l'Hebergement en Etablissement pour personnes âgées), le PLAISIR (Planification Informatisée des Soins Infirmiers Requis), le PEDALO (Programme Excel des Aides au Logement), l'UPATOU (Unité de Proximité, de Traitement et d'Orientation des Urgences) ou encore le COCUBU (Commission du Contrôle Budgétaire).


Des acronymes poétiques et loufouques, c'est bien, mais il y a mieux. Il y a russe. Il y a le Niiomtplaboparmbetzhelbetrabsbomonimonkonotdtekhstromont, une vénérable institution soviétique, dont l'acronyme, 56 lettres, le plus long du monde, pourrait être traduire en français par : « Le laboratoire pour des opérations de couverture, de renfort, de béton et de béton armé pour les constructions composées-monolithiques et monolithiques du département de la technologie des opérations du bâtiment assemblé de l'institut de recherche scientifique de l'organisation pour la mécanisation de bâtiment et l'aide technique de l'académie du bâtiment et de l'architecture de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques ».


A l'heure qu'il est, merci messieurs les tombeurs de Mur et d'URSS, il est malheureusement probable que cet auguste laboratoire n'existe plus. Il a du disparaître en 1989, en même temps que les rêves de Robert Hue. Est-ce une bonne chose (le fait que le laboratoire ait disparu, pas les rêves de Robert Hue, suivez un peu, je vous en prie)? Probablement: pour le directeur de l'institut, que je nommerai arbitrairement avec de ridicule idées reçues, Monsieur Piotr Villonivitch, ça a du être un grand soulagement. Pourquoi, me direz vous, car vous êtes de bonne volonté et vous voulez que cette chronique sorte lentement des sables où elle menace de s'enliser, lentement également, hin, pourquoi? Mais c'est très simple. Prenez la vie quotidienne de cet homme. Vous n'imaginez donc pas le calvaire qu'endurait M. Villonovitch? Le coût de ses cartes de visites (78cm X 45cm), par exemple. Et puis les petites humiliations en société: « Et toi alors, Piotr, tu fais quoi dans la vie? ». Dans l'administration « Camarade Villonivitch, pouvez vous indiquer sur notre formulaire votre profession, sur la ligne en pointillés. Merci. » . Le chemin de croix de ses enfants dans la cour de l'école: « Mais, vas-y, dis le ce qu'il fait ton père, hin! Pourquoi tu le dis pas? ». Un vrai supplice, vous-dis-je. Donc, tant mieux. Reste quand même une dernière interrogation: qu'est donc devenu M. Villonovitch? Je pense personnellement, et si j'étais vous, je me ferais confiance, qu'il doit être désormais président du PaRaDem. Ou peut-être est-ce le directeur de l'UCRLTC (Union des Chroniqueurs qui Rament Lamentablement pour Trouver une Chute). Mystère.


A la semaine prochaine